468
WILLIAM, EARL OF SHELBURNE
La partie de la nation américaine qui serait appelée à recevoir le moins de préjugés, les hommes riches et instruits du pays, ceux qui ont été les moteurs de la révolution, qui pour la soutenir ont animé le peuple contre les Anglais, et qui en soufflant cette haine auraient pu s'en pénétrer, ceux-là mêmes sont insensiblement ramenés vers l'Angleterre par différents motifs. Plusieurs ont été élevés en Europe; et à cette époque, l'Europe des Américains n'était que l'Angleterre. Ils n'ont guère d'idées comparatives de grandeur, de puissance, de noblesse et d'élévation que celles qui leur sont fournies par des objets tirés de l'Angleterre; et surpris eux-mêmes de la hardiesse du pas qu'ils ont fait en s'en séparant, ils sont ramenés au respect et à la subordination vers elle, par tous leurs mouvements involontaires.
Ils ne se dissimulent pas, il est vrai, que, sans la France, ils n'auraient pas réussi à devenir indépendants; mais ils savent trop de politique pour croire de nation à nation à la vertu qu'on appelle reconnaissance.
Ils savent que les services désintéressés ont seuls des droits à ce pur sentiment, et qu'il n'y a point de tels services entre les États. Et comment pourraient-ils s'y tromper? Lorsque l'Amérique, affranchie du joug de l'Angleterre, périssait sous le poids de sa propre anarchie, lorsqu'au milieu de son indépendance, il lui manquait la liberté, lorsqu'elle faisait effort pour se la procurer et